Et l’excitation d’une découverte se transforma en amère expérience…

Hier, pour l’une des mes nombreuses ballades dans les rues de Kyoto, toujours à pied, j’avais décidé de me rendre au sanctuaire Kamigamo, toujours en comptant sur le hasard pour faire une découverte qui embellirait ma journée. Ça peut être une scène de vie intéressante, un site presque inconnu mais charmant, atypique, ou encore quelque chose d’insolite comme le Japon sait si bien nous offrir.

La découverte qui fait plaisir

C’est alors que, sur le chemin, je tombe sur un vieux game center (salle d’arcade) encore en activité malgré les apparences, un de ces lieux vétuste, sombre, sale, à l’odeur de tabac omniprésente, mais qui transpire un Japon voué à disparaitre. Il n’y a pas de climatisation et les seuls ventilateurs ont bien du mal à aérer les lieux. Surtout qu’il n’y a pas de fenêtres, seul les 2 portes d’entrée font pénétrer l’air et la lumière.

Après avoir hésité à ranger mon appareil photo dans mon sac, j’opte finalement pour l’option en bandoulière, avec capuchon sur l’objectif. Je rentre par la 2ème porte et cherche du regard le gérant qui se trouve de l’autre côté, dans la première pièce (d’où les 2 entrées). Je lui fais un signe de la tête accompagné d’un こんにちは (konnichiwa = bonjour) de circonstance, qui ne trouvera pas de réponse… A part moi, il n’y a aucun client à cette heure, mais c’est à se demander si cet endroit est encore vraiment fréquenté…

Les yeux qui brillent malgré la pénombre

Bref, je découvre alors un Dance Dance Revolution à l’entrée, et des bornes de jeux de baston et de shoot them up, en solo ou en dual link. Street Fighter III Third Strike, Tekken 5, Gundam, Strikers 1945, il y a quelques morceaux de choix. Et le prix est sympa puisque la plupart sont à 50 yens la partie seulement ! Je suis tenté de m’y essayer mais je préfère continuer de découvrir les lieux. Il fait chaud, c’est vieux, ça pue, les posters sont sunfade, les sièges sont tous défoncés et rafistolés au scotch mais ça fait rien, ça tue, j’adore l’ambiance !

Il y a vraiment matière à faire de belles photos car cet endroit a du cachet, mais plutôt que de faire ça à l’arrache, je reste bien sage en espérant avoir l’accord du patron pour faire les choses bien. Je me met à réfléchir aux mots que j’emploierais pour me présenter, pour sympathiser et pour le convaincre d’accepter s’il devait être réticent.

Je me dirige alors vers la première pièce, où il se trouve, pour continuer ma petite découverte du jour qui me réjouit grandement. Encore une fois, je cherche le gérant du regard, lui lance des こんにちは pour être poli, m’imaginant déjà entamer la discussion et vanter les lieux à base de めっちゃ面白い!すごい (meccha omoshiroi, sugoi = super intéressant, génial) pour gagner sa sympathie. Mais il n’a pas l’air disposé, visiblement pas enchanté de voir un étranger dans son commerce.

Et l’excitation se transforma en un sentiment amer…

C’est alors qu’il vit mon appareil photo, toujours cachetonné à mon épaule « en signe de paix », qu’il pointa aussitôt du doigt. Anticipant ses mots, je lui dit que je sais que je ne dois pas prendre de photographier les lieux. Il me demande alors de partir. Étonné, je lui explique que je n’étais pas en train de prendre des photos mais rien n’y fera, il ne changera pas d’avis et renouvelle son souhait de me voir partir. Par dépit, je m’exécute, comprenant que j’étais face à un mur.

Je reprend alors la direction de Kamigamo Jinja, qui était donc mon objectif de base, mais je ne peux m’empêcher de repenser aux événements passés, à la façon dont je me suis fait « jeté » dehors. Avec le recul, j’aurai probablement du tenter de discuter un peu plus, de lui montrer que je n’ai pris aucun cliché et de lui expliquer que j’adore l’atmosphère de l’endroit. Au final, il est déjà tard, je suis fatigué et cette histoire me perturbe. Je suis un peu blessé d’avoir été traité de la sorte, alors que je n’avais clairement rien fait de mal. En aurait-il été autrement si j’avais été japonais ? Je ne le saurait jamais.

Oh bien sûr je m’en remettrais, mais c’est ce genre de choses qui me font me demander si ma place est vraiment au Japon, du moins sur le moment. Parce rapidement, je repense aux raisons qui m’ont fait venir et surtout aux bonnes choses qui me font rester. On ne peut pas plaire à tout le monde, c’est certain. Mais encore faut-il avoir une chance de montrer la personne que l’on est !

Ne pas rester sur un échec…

Toujours est-il qu’au final, étant fatigué et désireux d’offrir une meilleure fin à cette histoire, je décide d’annuler ma visite au sanctuaire et de retourner au game center de ce monsieur avec l’intention de m’expliquer. Une fois revenu sur les lieux, une petite heure après environ, je me rend compte de loin que le gérant est posté devant son commerce, à regarder de tous les côtés. Il ne fait guère de doute que la personne qu’il guète, c’est moi… Je comprends alors que c’est mort pour cette fois. Il s’est fait son avis sur moi et je ne suis clairement pas le bienvenue, je suis un indésirable.

Maintenant, il vaut mieux se faire oublier, puis on revenir dans quelques mois en tentant une autre approche et en espérant qu’il n’ait pas fermé entre temps… Pour les japonais, tous les occidentaux se ressemblent donc il ne se souviendra pas de moi en particulier.

Pourquoi a t-il réagit de la sorte ?

J’ai évoqué dans mon récit la possibilité que le gérant n’aimait peut-être tout simplement pas les étrangers. S’il existe bel et bien au Japon, je me garderai bien de parler de racisme pour autant, ne pouvant pas juger une personne sur un échange de 2 minutes, et surtout parce qu’il ne faut pas en voir partout où un occidental est contrarié.

Peut-être qu’il n’a rien contre les étrangers en soit, mais qu’il a eu une mauvaise expérience avec un « américain » (pour les japonais, tous les blancs viennent du pays de l’oncle Sam), et que du coup, me voyant débarquer, il m’a jugé et mis dans le même panier, souhaitant me faire partir au plus vite. L’appareil photo étant la goutte d’eau, ou bien simplement un prétexte.

Il est possible qu’il ait tout simplement trop honte de son magasin, étant très peu reluisant comme je l’ai décrit plus haut, bien que ce soit sa vétusté qui lui donne justement son intérêt.

Et donc au final ?

Malgré tout, je ne peux m’empêcher de penser que, pour x raisons, il ne portait pas trop les étrangers dans son cœur, sans aller parler de haine pour autant, vu son regard envers moi et ce bien avant d’avoir vu mon appareil photo. Il a du me voir comme un touriste relou venu juste pour faire son voyeur, prendre des photos et repartir sans consommer.

Ce qui est dommage, c’est surtout la tournure qu’ont pris les choses. Il aurait pu juste m’interdire les photos, quitte à me surveiller vu qu’il n’y avait personne d’autre. Si même après discussion (je lui ai montré que je parlais japonais et donc pouvait communiquer), ce n’était toujours pas possible, alors j’aurai accepté et compris sa décision. Au lieu de ça, il a préféré m’expulser sans chercher plus loin. Ce qui est énervant, ce n’est pas de s’être fait refusé les photos, mais évidemment le fait d’être jugé et de se faire jeter sans être coupable de rien…

Voila donc comment ce qui s’apparentait à une belle découverte se transforma finalement en une amère expérience…

Plus
Close
Close